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Comment appeler cela ? Une parenthèse ? Trop court. Une éternité ? Trop long. Un tunnel ? Trop lugubre. Va pour une longue absence. Et même une « très » longue : une quarantaine d’années, soit la période pendant laquelle Nicole Claveloux s’est tenue à l’écart de la bande dessinée, avant d’y revenir. Ultime jalon d’un processus de redécouverte de son œuvre engagé il y a quelques années, la parution, ces jours-ci, de Ce soir, c’est cauchemar (Cornélius) célèbre l’étonnant come-back d’une illustratrice de 84 ans longtemps oubliée par le 9e art.
Monstre sacré de la littérature jeunesse, l’invitée de marque du festival parisien de bande dessinée Formula Bula (du 20 au 22 septembre) dissipe par la même occasion un malentendu tenace selon lequel le milieu l’aurait boudée, à moins que ce ne soit l’inverse. « Ni l’un ni l’autre », corrige-t-elle cet après-midi de la mi-août, dans sa maison de Moëlan-sur-Mer (Finistère). Il pleut implacablement sur la Cornouaille bretonne, un feu crépite dans la cheminée. La réalité est plus prosaïque en effet.
En 1987, épuisé par des années de méventes, le magazine Métal hurlant met la clé sous la porte. Avec la scénariste Edith Zha, Nicole Claveloux avait publié deux bijoux d’onirisme dans cette revue pionnière, l’une des premières à faire sortir la bande dessinée du ghetto de la littérature enfantine : La Main verte (Les Humanoïdes associés, 1978) et Morte-saison (Les Humanoïdes associés, 1979). Le premier récit narre les aventures fantasmagoriques d’un corbeau nostalgique et d’une jeune fille rêveuse. Le second, dans une veine surréaliste, suit les pas de deux détectives privées (auxquelles les autrices ont prêté leurs traits) enquêtant sur la disparition d’un « homme triste ».
D’autres histoires courtes composeront plus tard un recueil de nouvelles, Le Petit Légume qui rêvait d’être une panthère et autres récits (Les Humanoïdes associés, 1980). Et puis, le téléphone avait cessé de sonner alors même que s’amorçait un virage décisif dans l’histoire de la bande dessinée : sa mutation en industrie à des fins de divertissement de masse. Comme l’explique son éditeur d’aujourd’hui et fondateur de Cornélius, Jean-Louis Gauthey, de nombreux artistes ayant tenté des expérimentations graphiques et narratives avec le médium furent délaissés par un secteur de l’édition ne jurant que par les séries historiques et d’aventures – ainsi de Francis Masse, Gérald Poussin, Guy Peellaert (1934-2008) et donc de Nicole Claveloux.
« Il y a sans doute du vrai là-dedans, mais le fait est, aussi, que j’ai arrêté la bande dessinée pour adultes tout simplement parce que Métal hurlant s’est arrêté, confie aujourd’hui cette dernière. Je n’avais pas cherché de débouchés à l’époque, car je démarche très peu. J’attends que les gens me contactent. Et, si l’éditeur attend lui aussi qu’on le contacte, il ne se passe rien, c’est aussi bête que cela. Je m’étais alors remise à faire des livres pour enfants. » Des albums illustrés principalement, mais aussi quelques bandes dessinées pour les plus jeunes, jusqu’au milieu des années 1980. Pas moins de cent quarante ouvrages composent sa bibliographie en comptant ceux des débuts, publiés à partir de son installation à Paris, en 1966, au sortir des Beaux-Arts de Saint-Etienne, où sa mère enseignait.
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